Liv, elle a toujours ce sourire aux lèvres qui la caractérise. La joie de ceux qui ont décidé que la vie était trop courte pour se morfondre. Et même lorsqu'elle se contente de marcher dans la rue, ses traits respirent le bonheur et la douceur. On le lui reproche souvent, confondant sa bonne humeur avec une naïveté qu'ils pensent nocive. Non, Liv n'est pas naïve. Elle a senti le déchirement de l'âme-sœur qui s'en va, et elle en a simplement fini de se morfondre dans ce qu'elle pense être une douleur inutile. Ed est parti. Il l'a abandonnée, deux ans qu'il a choisi d'en finir avec la vie quand ils semblaient toucher le bonheur à pleines mains. Elle n'a jamais compris, ne comprendra jamais. Elle a enfin trouvé la paix, celle qui vous permet de respirer à nouveau, qui atténue cette douleur dans la poitrine. Bien sûr, elle a mal, encore. Il lui arrive de tomber sur une photo, de sentir son odeur, et ce trou béant semble être sur le point de l'avaler. Elle sait que ça ne disparaîtra jamais. Elle sait qu'elle a perdu une part d'elle-même, et ne sera jamais capable d'aimer à nouveau. Le cœur fermé et un masque insensible, c'est ce qu'elle porte chaque jour.
Alors, ce jour-là, elle a ce sourire collé au visage, un bonjour lancé avec enthousiasme au chauffeur de bus. Elle vient de finir une journée de cours, et bien qu'elle adore ce qu'elle y étudie, elle est soulagée de pouvoir enfin rentrer chez elle. Assise contre la vitre, elle observe une petite fille. Et elle se demander où en est son compteur. Si elle est née défaillante, si elle a rencontré son âme-sœur. Elle envie cette innocence, ce doute. Peut-être ressentira-t-elle la même excitation que Liv a ressenti en voyant les dernières minutes de son compteur s'égrener ? Elle sourit en y pensant, et la petite fille lève ses grands yeux bleus vers elle. Elle lui offre un sourire auquel il manque des dents, et Liv lui lance un clin d’œil espiègle. Elle lui souhaite du regard tout le bonheur du monde, et descend à l'arrêt suivant.
Elle suit le trottoir jusqu'à son immeuble, monte les marches quatre par quatre, et s'empresse de préparer son sac. La soirée qui s'annonce est plus qu'attendue. Liv n'a pas vu Charley depuis trop longtemps à son goût, et ces quelques heures ensemble sont plus que nécessaires. Son amie traverse la même épreuve à laquelle Liv a dû faire face deux ans plus tôt : l'âme-sœur qui vous quitte. Et la petite blonde est bien placée pour savoir que Charley a besoin de présence. Si Thom n'avait pas été là, quand Ed s'est suicidé, Liv aurait sombré dans toutes choses qu'elle n'ose imaginer. Alors, lorsqu'elle frappe à la porte, sac sur l'épaule, et sachet de nounours en guimauve dans les mains (elle ne doute pas que Charley aura tout prévu, mais elle aime débarquer avec autre chose que sa seule personne), son sourire ne fait que s'agrandir. - Helloooo, bichette, dit-elle avec un accent irlandais qu'elle a lorsqu'elle parle anglais. Elle a beau être née à Paris, ses origines comptent beaucoup pour elle, et son accent est quelque chose dont elle a toujours été fière. Elle agite le sachet de friandises devant son visage, haussant les sourcils : - J'ai apporté des petites choses. Liv fait en général très attention à ce qu'elle mange, elle fait du sport et mange équilibré. Mais parfois, elle sait relâcher la bride, et s'empiffrer de sucreries de temps à autre n'a jamais tué personne. D'autant plus lors d'une soirée entre filles, où glace et autre nourriture bien calorique sont de mise.