« Dis, tu veux jouer avec moi ? »

Un regard, un sourire, un hochement de tête, et déjà tu savais que cette blondinette ferait partie intégrante de ta future vie. Ce n’était pas tant son sourire ou sa beauté qui te permettait d’en juger, mais sa manière de te parler, de prendre de tes nouvelles ou encore tout simplement de te regarder. Valentine était, et est toujours puisqu’on parle ici du passé, ta meilleure amie. Celle avec qui tu faisais les quatre cents coups et pour qui tu risquerais de perdre n’importe quoi. Vous n’étiez pas si différents tous les deux : elle aimait beaucoup écrire, tu aimais beaucoup dessiner, à vous deux vous aviez entrepris d’adapter l’une de vos innombrables histoires en livre, histoire de vous faire connaître, mais aussi de montrer au monde de quel talent vous disposiez, rendant ainsi les autres jaloux. Vous êtes sortis ensemble, durant votre année de 6ème, mais toi comme elle savait que ce n’était pas pour toujours, vous préfériez être considéré comme meilleurs amis plutôt que comme un couple. D’ailleurs Valentine fut la première à être au courant pour ton homosexualité, et comme tu t’y attendais, elle prit la nouvelle aussi bien qu’on prend des nouvelles de ses voisins, et encore là tu savais qu’elle était faite pour être ta conseillère sur l’ensemble de ta vie.

« Dites, vous saviez que Bastien était gay ? »

Voilà les paroles que ton frère ainé venait de lancer à table, lors d’un de vos repas qui se déroulaient presque toujours le dimanche midi, et où Valentine était toujours conviée. D’ailleurs tu jetais un regard à cette dernière avant de fixer ton frère d’un regard à la fois plein de haine et de désespoir. Pourquoi avait-il fallu qu’il balance tout sur le tapis ? Tu avais prévu de faire ton coming-out d’ici quelques mois, mais seulement quand tu aurais un petit ami, un que tu pourrais présenter à tes parents, un que tu aurais connu quelques mois auparavant pour faire passer l’annonce d’une meilleure façon que celle-ci. Ton frère était, et avait toujours été, jaloux de toi -sans qu’il ne t’explique la raison x qui le poussait à être ainsi envers toi- même si d’un autre côté il était toujours présent pour toi et faisait tout pour te protéger. Tu jetais un regard vers le bout de la table, là où étaient installés tes parents, et tu remarquas que ta mère te souriait, ton père lui buvant simplement une gorgée de son verre de vin. Le repas se termina bien vite dans la bonne humeur et les rires et tu pus t’éclipser avec ta douce meilleure amie pour partir rejoindre ta chambre, lançant une musique de fond alors que vous discutiez de ce qu’il venait de se passer il y a de cela quelques dizaines de minutes plus tôt.

« Mes chers parents, je pars. Je vous aime, mais je pars. »

Tu avais choisi cette musique pour faire part de ton départ à tes paternels ainsi que ton fraternel, à qui tu n’adressais plus autant la parole qu’avant bien qu’au fond tes parents t’aient accepté tels que tu étais et que tout était bien qui finissait bien. Tu ne pouvais plus continuellement rester sous les jupes de ta mère et encore moins les chemises de ton père. Tu souhaitais devenir indépendant, libre, autonome, et c’est ainsi qu’avec l’aide de ta meilleure amie tu avais trouvé un petit studio trois chambres pas trop loin de votre université. Tes parents t’avaient alors donné de quoi subvenir à tes besoins durant les trois premiers mois et ton frère s’était simplement contenté de te dire qu’enfin tu quitter le domicile parental –car lui l’avait fait trois ans plus tôt- et que tu prenais enfin ta vie en main. Tu ne mis pas loin d’une journée à tout emmener de ton ancienne maison à ton nouvel appartement, et dès le lendemain, Valentine et toi aviez déposé une annonce pour la recherche d’un éventuel colocataire, histoire de réduire les charges encore plus, mais surtout de vous permettre de vivre pleinement sans vous restreindre de quoi que ce soit. Tu avais tout pour être heureux, si ce n’est l’âme sœur et ce stupide compteur qui t’annonçait que d’ici un mois ton âme sœur pointerait le bout de son nez et que non seulement tu tomberais peut-être sous ses charmes, mais qu’en plus tu n’aurais pas vraiment le choix de qui cela pourrait être. Reste à voir si le karma est tout beau tout rose ou au contraire tout moche tout gris.

› QUE PENSES-TU DU DESTIN? : J’aurais tendance à que je n’y crois pas, mais ce serait me mentir à moi-même et nier le fait que le destin existe bel et bien et qu’il est bien présent, contrôlant nos actes de la minute où nous naissons jusqu’à la minute où nous mourrons. C’est bizarre de s’imaginer ça, mais après tout il faut bien que quelque chose décide de notre vie, une force invisible, imprévisible comme le destin sinon qui le ferait ?.

› ET DE L'ÂME-SOEUR? : Alors là je n’y crois pas, enfin je n’ai jamais eu la chance de trouver mon âme sœur aussi vous me dites, mais qui peut se proclamer âme sœur de telle ou telle personne alors que des centaines de milliards de personnes existent dans le monde ? Je ne pense pas que l’âme sœur soit LA seule personne à pouvoir nous rendre heureux, mais juste par curiosité j’aimerais beaucoup rencontrer cette dernière, pour voir à quoi elle ressemble et ce qu’elle m’apporterait dans mon train-train quotidien.

› LE SYSTÈME DE COMPTEUR, TU Y CROIS? QU'EN EST-IL DU TIEN? COMMENT LE VIS-TU AU QUOTIDIEN? ESSAYES-TU DE LE CONTRÔLER OU TU PRÉFÈRES ATTENDRE ET VOIR VENIR? : Je dirais également que non, mais là encore je ne peux pas être sur puisque je ne sais pas ce qui m’attendra après le temps imparti. Trouverais-je mon âme sœur ? Serions-nous heureux jusqu’au restant de nos jours ? C’est dur de croire qu’un compteur existe, même s’il est bien visible et présent, et qu’il nous dicte qui est notre âme sœur et quand nous allons la rencontrer. Je trouve juste absurde de ne pas choisir nous-mêmes notre destin, mais bon peut-être que mon destin me réserve un bel avenir, qui sait. D'ailleurs, mon compteur marche toujours, il ne s’est pas arrêté et je pense qu’il va mettre du temps avant de le faire. Je m’explique, je ne suis pas du genre super fidèle, je couche à droite, je couche à gauche, je me souviens même plus du prénom de ma conquête d’avant-hier, c’est pour dire ! Je ne le cache pas ce fameux compteur, mais ce n’est pas pour autant que je le revendique. C’est bidon, mais je préfère attendre que le « prince charmant », car je ne tolèrerais pas une fille comme âme sœur, non, ramène ses fesses plutôt que d’essayer de le contrôler en faisant je ne sais quoi avec lui

› EN PASSANT, QUE PENSES-TU DES ENTREPRISES COMME ÉROS QUI PROSPÈRENT ET FONT DES BÉNÉFICES GRÂCE AU COMPTEUR? LE MARCHÉ DE L'AMOUR EST-IL UN MARCHÉ COMME LES AUTRES POUR TOI? : Je trouve ça révoltant, pourquoi faire de l’amour un marché ? C’est comme si le marché d’esclaves refaisait surface. On n’exploite pas l’amour comme ça pour obtenir gain de cause, surtout pas des bénéfices faits via diverses entreprises. Tout cela me déroute, mais je ne préfère pas m’en mêler, je laisse le temps faire peut-être qu’un jour nous aurons le droit de choisir ce que l’on veut, quand on le veut et avec qui on le veut, en attendant je ne laisserais pas Éros prendre mon argent juste pour pouvoir cacher ce que tout le monde craint le plus, le destin.

› ET LE MOUVEMENT "HOW MUCH FOR (SELF)-LOVE?" QUELLE EST TON OPINION A CE PROPOS? PLUTÔT POUR OU CONTRE? : Sincèrement je suis plutôt neutre, ok c’est dégueulasse d’exploiter l’amour comme ça, mais il faut arrêter aussi de dire qu’il ne faut pas tricher avec le destin. Tant que notre âme sœur n’a pas pointé le bout de son nez, on est libre, on peut faire ce que l’on veut, avec qui on veut, alors laissons les entreprises vendre leurs machins et vivons notre vie comme si de rien n’était. C’est en s’intéressant à ce genre de choses qu’elles prennent de l’ampleur et viennent petit à petit vous picorer, pour finalement vous dévorer tout cru.

› PARLES-NOUS UN PEU DES RAISONS QUI T’AMÈNENT EN VILLE. C'EST POUR LES AFFAIRES? LA FAMILLE? LE PLAISIR? L’ÂME-SŒUR PEUT-ÊTRE? OU ALORS, T'ES NE(E) DANS LE COIN? : Raison toute bête, j’y suis né. À Paris même en plus. J’ai des origines allemandes du côté de mon père, mais je suis plutôt Français à 90 % puisque je ne connais que très peu mon autre pays. J’y vis depuis vingt-et-un ans et je ne pense pas que c’est près de changer, peut-être quand j’aurais de quoi me payer un voyage ou qu’avec un peu de chance mon père soit muté dans une autre école, après tout il étudie les langues donc c’est assez universel. Seul le destin me le dira après tout.

› EN GÉNÉRAL T'ES PLUTÔT VOYAGE? AVENTURES, GENRE T'ES UN VRAI INDIANA JONES QUOI? OU AU CONTRAIRE BOUGER C'EST PAS TROP TON TRUC TOI T'ES BIEN PÉPÈRE A LA MAISON AVEC TES CHATS? : J’aimerais tellement dire que je suis plutôt voyages, aventure comme Indiana Jones, mais ce serait mentir puisque je n’ai pas les moyens de voyager à travers le monde. La France est le seul pays que j’ai visité, j’ai déjà étais plus loin que Paris, mais c’est vraiment ici que je vis et que j’ai toujours vécu. Un jour je visiterais l’Angleterre, l’Amérique, le Japon aussi pourquoi pas et je serais peut-être connu pour mes dessins, qui sait.

› UN BOND DANS LE PASSÉ, DES REGRETS? DES CHOSES QUE TU AIMERAIS CHANGER SI TU LE POUVAIS? : Mh je pense que tout le monde aimerait changer quelques choses dans sa vie, pour ma part ce serait sans hésiter le fait que ce soit mon frère qui avoue à mes parents mon homosexualité. Je n’aurais pas dû me montrer si lâche, réticent, peureux à l’idée d’annoncer ma différence. Après tout mes parents m’ont tout de même accepté, mais depuis ce jour un froid s’est installé entre mon frère et moi et je n’aime vraiment pas ça. J’aimerais aussi que notre relation ne soit pas aussi formelle, qu’elle devienne un peu plus intéressante, importante.