on croit souvent qu'une enfance baignée dans un milieu aisé et fortuné apporte le confort et le réconfort dont tout le monde manque cruellement, à tort. toi, t'as grandi sans tes parents. ô bien sûr, ils sont là, toujours bien vivants. mais trop occupés à agrandir leur fortune pour te voir. alors, t'as grandi sans eux, loin d'eux. abandonné à ton propre sort entre les bras tendres et réconfortants, parfois, de tes nourrices. ₪ la mode, t'as baigné dedans depuis que t'es gosse. t'es comme qui dirait tombé dans la marmite et t'en es jamais ressorti. du coup, t'as toujours eu l'habitude de faire très attention à ton image et à cultiver la différence, l'originalité. tes parents mettaient un point d'honneur à agrandir ta garde robe en fonction de ton âge, de tes activités et de tes loisirs. du coup, rien d'étonnant à ce que tu sois, aujourd'hui, mannequin de profession. ₪ plutôt renfermé quand t'étais gosse, t'as appris à t'ouvrir grâce à ta troisième nourrice. elle, elle avait des enfants, de ton âge de surcroît. alors parfois, elle les prenait avec elle et tu t'amusais avec eux. c'est en partie grâce à elle que t'as appris à t'ouvrir au monde et à apprécier la chance que tu pouvais avoir d'être né dans une famille si aisée, à l'abri de tout. ₪ l'école n'a jamais été ton point fort, t'as toujours détesté l'autorité des professeurs même si tu ne t'es jamais fait remarquer. t'as toujours fait de ton mieux pour être un élève modèle et assidu. tu ne voulais surtout pas décevoir père et mère. alors t'as travaillé, longtemps, comme un dingue. tes formules d’arithmétiques ? tu les savais sur le bout des doigts et devant toi se dessinait un avenir plutôt tranquille si seulement on t'avait laissé le choix des armes. ₪ d'un caractère plutôt drôle, ouvert et sympathique, à l'adolescence, t'es devenu l'gamin que tout le monde trouvait amusant. on appréciait ta compagnie parce qu'elle était décalée, originale et surtout parce que malgré ton patrimoine, t'as jamais joué les caïds ni même les grandes gueules. toi, t'es du genre généreux, même si parfois, ça peut te jouer des tours. ₪ tu t'entiches jamais... parce que l'amour, ça n'existe pas. tu le sais, t'as vu tes parents et honnêtement, leur exemple ne présage rien de bon. t'es un solitaire, dans l'âme comme dans le coeur. t'as toujours été adepte des activités en solo, sans partenaire. alors forcément, des copines, t'en n'as pas eu des masses. ₪ puis quand t'as découvert ton homosexualité, tu as fait le choix de l'assumer et de l'affirmer. c'était difficile, un long combat dont t'es pas forcément sorti indemne mais t'as réussi là où beaucoup auraient pu échouer. ₪ quand t'as commencé à devenir plus grand, plus mince et forcément plus intéressant pour les agences, t'as pas trop eu le choix. ta mère t'a poussé au cul pour que tu poses, ton père l'a soutenue dans ses choix et depuis, ta vie... est devenue la leur. t'as accepté sans broncher, t'es fils unique. alors t'as plongé dans l'univers du mannequinat. c'est drôle, pas révélateur, mais ça te convient. à dix-huit ans, t'as arrêté tes études et tu t'es engagé à temps plein pour cette activité qui te demandait énormément de sacrifices. t'as jamais réfuté l'autorité de tes vieux, tu leur en as beaucoup voulu, mais t'as toujours pensé que le mieux à faire, dans ta position, était de suivre leurs idées. ₪ en quelques années, t'es devenu une véritable icône de la mode masculine. ton visage apparaît partout et ton nom est connu. ça ne t'étonne pas, tes parents ont toujours su faire parler de ta famille. sauf que toi, toi tu te noies dans l'incompréhension. t'as beau faire un métier qui en passionnerait plus d'un, tu te sens à l'écart de tout ça. tu aimerais t'y adonner à cent pour cent mais une partie de toi regrette ces études que tu aurais pu faire, cette profession, certes moins payée, mais honorable que t'aurais pu exercer et ce petit train-train anonyme qui aurait pu être ton quotidien. ₪ ça, c'est ta vie. et si t'es quelqu'un de gentil, extraverti, d'agréable et d'ouvert, t'en demeures pas moins un enfant délaissé au coeur brisé. t'aurais voulu croire en l'amour comme on croit au père noël mais tes illusions se sont dissipées trop vite. solitaire, parce que tu n'as aucune autre option, t'as choisi d'avancer dans les sillons qu'on avait déjà creusé pour toi avant même que tu ne viennes au monde. t'enfiles des costumes sur-mesure tout en demandant si, avec le temps, tu ne finiras pas par t'y noyer.